Voici ma critique de
Momies. Je vous préviens, elle est un peu longue. D'ordinaire je fais déjà des articles assez conséquents, mais cette fois-ci la situation est un peu exceptionnelle. Les nouvelles émanant chacune d'auteurs différents, j'ai voulu apporter un point de vue détaillé pour chaque texte. Vous pouvez également retrouver cette critique sur mon blog
ici, je l'ai agrémentée d'un lien vers le forum, et d'un autre vers le site des éditions Cauchemars.
Momies - anthologie
Résumé : Découvrez la première anthologie des éditions cauchemars sur le thème de la momie.
Parcourez le Pérou ou encore l’Egypte pour une découverte que vous n’oublierez pas de sitôt. Partez en forêt pour une partie de jeu de rôle dont vous ne sortirez pas indemne ou plongez dans la peau d’un gardien de musée vivant une macabre romance. Préparez-vous à payer le prix de votre curiosité ou à devenir victime de votre création…
Dix nouvelles macabres et terrifiantes sur la voie de la momification…
Critique : C'est dans la foulée du Comte de Monte-Cristo que j'ai enfin entamé le recueil de nouvelles intitulé Momies, édité chez une toute jeune maison d'édition, les éditions Cauchemars. Cet ouvrage m'a été gracieusement envoyé dans le cadre d'un partenariat entre cette dernière, et le forum Un Monde Imaginaire, que je remercie tous deux.
Pour en venir à l'ouvrage en question le résumé ainsi que la couverture m'avaient attirée, et la perspective de nouvelles fantastiques et effrayantes à venir, tout pour me mettre l'eau à la bouche. Matériellement parlant, l'ouvrage est somme toute plutôt chouette et de bonne qualité - je suis assez fan des motifs que l'on voit à l'arrière-plan de la couverture, et la mise en page avec large trame est très agréable à la lecture.
Le contenu, maintenant. Au programme : dix nouvelles ayant comme thème commun, vous vous en doutez je pense, les momies, proposées par des auteurs en devenir. De manière globale, il y a à boire et à manger. Des réussites et des ratés, des maladresses et des trouvailles. Les auteurs de chacun des courts récits étant différents, je m'attacherai donc à proposer mon point de vue pour chacun d'entre eux.
La première nouvelle s'intitule Une Petite fille si attentionnée, rédigée par Cécile Guillot. Une courte ouverture pour l'ouvrage. La nouvelle est brève et concise, et l'auteure, malgré quelques maladresses de style, parvient à donner une âme à son histoire. La trame en elle-même est bien trouvée – je l'ai pour ma part trouvée assez horrible, ceux qui me connaissent un peu ainsi que mes animaux de compagnie me comprendront d'autant mieux – et surtout très bien servie par une atmosphère morbide et délétère distillée avec brio. Dans l'ensemble, un très bon moment, et une agréable mise en bouche.
La deuxième nouvelle, Mastabas, nous est proposée par Angélique Ferreira. Le texte est malheureusement bien moins réussi, au niveau de sa trame comme de sa mise en forme. Dans l'ensemble, le tout reste sympathique et bien écrit. Le souci réside dans plusieurs petits points qui viennent s'accumuler de manière désagréable. Syntaxe à certains moments très maladroite, abus de points d'exclamation, orthographe et conjugaison mal maîtrisées, surtout le subjonctif, incohérences (dans une nouvelle qui a pris à la base le parti de faire tutoyer les souverains, on trouve régulièrement des intrusion de vouvoiement, parfois même, tutoiement et vouvoiement se côtoient dans une même réplique, ou encore une jeune fille présentée comme frêle qui parvient à briser la nuque d'un homme qu'elle étrangle avec une corde, chose déjà peu vraisemblable s'il s'était agi d'un homme), répétitions, confusion, phrases bizarres (« des larmes coulèrent jusqu'à ses genoux », « cela ne pouvait être que cela », un crâne dont on « aromatise l'intérieur »), et enfin, une trame plutôt bancale, un peu trop vaste pour le côté nécessairement court de la nouvelle, qui entraîne du coup des ellipses gênantes, un enchaînement des événements beaucoup trop rapide et une histoire dans laquelle au final je n'ai vraiment pas réussi à me plonger. Et pourtant, l'aventure avait bien commencé, la façon dont l'auteure pose ses éléments est plutôt correcte, et malgré tous ces points négatifs, on retrouve quand même une atmosphère « Egypte antique » à la Papyrus pas désagréable. De manière générale donc, ça cafouille, ça cafouille. Prenons les choses du bon côté : la chose n'est pas bien grave, l'auteure est jeune et à encore du chemin à parcourir. Tout ce que je lui souhaite, c'est de continuer à écrire pour parfaire sa technique ;)
Troisième univers, proposé par Anaïs Perera, vient ensuite Corps et âme. Là encore, on retrouve quelques petites maladresses de syntaxe, mais de manière totalement anecdotique. La prose de l'écrivaine est très agréable, et tout de suite, le mystère s'installe. On nous apprend en plus juste avant la nouvelle que la jeune femme aime les auteurs de fantastique du XIXè siècle... et ça se sent. Joli clin d'oeil à Wilde.
C'est La Mort Céleste de Stéphane Soutoul qui prend la relève. Là encore, la prose de l'auteur atteint son but, et la narration, efficace, entraîne rapidement le lecteur dans un univers assez... space. Oui, il s'agit du gardien de musée évoqué dans le résumé. Différent du morbide de la première nouvelle mais morbide quand même, monsieur Soutoul parvient à nous entraîner dans le délire halluciné de son personnage. Un petit bémol pour la chute, que j'ai trouvée un peu décevante, mais l'ensemble reste plutôt réussi.
La Galerie de nuit, de Lydie Blaizot, met en scène un récit assez particulier et que, bizarrement, je qualifierais presque de... mignon, de par cette histoire de jeune thésard qui apporte son aide à des momies et monte une mascarade à l'intention de son tuteur. Pas vraiment la vision que j'avais d'un récit effrayant, mais l'idée reste suffisamment incongrue pour que j'en garde un souvenir positif. Dommage que les éléments fantastiques mis en place au début aient été peu exploités (ce sable du désert qui devient froid et humide sous un soleil de plomb), et que quelques impairs fassent leur apparition (fautes, majuscules aux verbes de diction, dialogues matérialisés avec des guillemets etdes tirets, abus de points d'exclamation et d'interrogation). L'ensemble reste là aussi très sympa.
Gaspar, de Gwenaelle Durand constitue sans doute ma seconde grosse déception. Entre créatures de la nuit et Démons Majeurs (avec majuscules s'il-vous-plaît), mis en scène de manière trop « naïve » à mon goût pour donner quelque chose de crédible, la sauce n'a pas pris. Le lecteur assiste juste à un rapport de forces entre des créatures d'outre-tombe, et au final, j'ai – de manière toute personnelle - trouvé l'histoire fade, sans âme, floue et pas vraiment suivie. La mise en scène de la momie imposée par le thème était pourtant plutôt bien trouvée et l'idée avait du potentiel, qui n'a malheureusement pas été assez bien exploité à mon goût.
On en arrive à une nouvelle qui m'a laissée partagée sur certains points, mais qui constitue sans doute la nouvelle dont je garderai le souvenir le plus... cocasse, à défaut de terme plus approprié. Il s'agit de Joe Fallon et le trésor de Viracocha, de Emile Witwicki-Barbet. La narration est cet élément particulier qui me fait mettre la nouvelle à part. Cette narration se fait du point de vue mal embouché du héros, procédé a prioriplutôt casse-gueule à utiliser, sauf qu'ici, on a sans doute ce qui fait toute la réussite de la nouvelle. La trame générale ne casse pas la baraque et j'ai trouvé l'embrouille familiale proposée un peu bateau, mais au final, c'est cette façon de raconter les choses qui rétablit l'équilibre. Ça et la momie de l'auteur qui en plus a l'originalité de nous proposer autre chose que l'Egypte : le Pérou. Les petits pépins restent les fautes de frappe, phrases corrigées mais restées tronquées sur le papier, et la vulgarité marrante mais parfois un peu trop excessive de notre Joe. De bonnes idées malgré tout, une escapade sympa, et un clin d'oeil rigolo à Indiana Jones (« sa place est dans un musée ! »).
Huitième nouvelle : La Main du musée, de Eva Aernout. L'ensemble est, je dois, dire assez déstabilisant, et certains points m'ont paru un peu naïfs, surtout ces jeunes à la vingtaine passée dont j'ai trouvé le comportement excessivement infantilisé – je ne dis pas que les jeunes de plus de vingt ans se comportent tous en adultes responsables, mais la façon dont cette composante est proposée m'a un peu dérangée. La prose de l'auteure reste correcte, et à l'inverse de La Mort Céleste, dont le récit m'avait plu mais la chute déçue, ici j'ai trouvé le corps principal du texte plutôt décevant, mais la chute très bien trouvée et très bien amenée.
L'avant dernière nouvelle, La Messagère, de Marie-Laurence Lemercier, est sans doute ma préférée entre toutes. Il faut dire aussi, dès le début, on me prend par les sentiment : l'utilisation de connaissances actuelles sérieuses et les faire dériver vers un récit fantastique tirant même nettement sur la science-fiction - quand l'ensemble est cohérent, crédible et indéniablement bien mis en scène, comme ici – fait partie des ingrédients qui d'une manière ou d'une autre me séduiront forcément. En plus de ça, malgré une mise en page un peu cafouilleuse au départ (trois tirets pour une même réplique) et quelques fautes, le style de l'auteure sait faire attendre son lecteur et titille à merveille sa curiosité. La chute boucle la boucle, de manière légèrement facétieuse. J'aurais presque réclamé une suite. En tout cas, l'auteure est à suivre. J'ai vu qu'un manuscrit était en train de se terminer. Et je le guette...
Dixième et dernière nouvelle ; Malaïka Macumi nous propose Derrière la porte. Une nouvelle qui clôture de manière fort réussie cette anthologie. Malgré une ou deux expressions bizarres (du genre « une bourrasque d'épaule » et « courir en trombe »), l'écriture est dynamique et donne tout de suite vie au récit. A nouveau, nous est proposée ici une boucle, très bien imaginée et mise en scène. On frissonne à la lecture des dernières lignes, et le renversement de situation est admirablement bien amené. Essai transformé :)
Dans l'ensemble, comme je l'ai dit plus haut, il y a vraiment de tout dans cette anthologie, et en ce qui me concerne, j'estime avoir fait quelques découvertes très sympa. Du côté de la maison d'édition aussi, quelques petites choses seraient à revoir, notamment au niveau de la correction orthographique et des conjugaisons, qui laissent parfois à désirer (impératif et subjonctif, fautes de frappe, accords de participe passé) – seule deux des dix nouvelles, la première et la dernière, ne recèlent pas de fautes -, ainsi que de la mise en page, là où des alinéas ou des retours à la ligne manquent, où la ponctuation est parfois chaotique, et où les règles de présentation des dialogues ne sont pas respectées.
J'ai cependant bien conscience qu'éditeurs comme auteurs n'en sont encore qu'au démarrage, et, si le moteur a, certes, parfois quelques ratés, l'ensemble de l'ouvrage me paraît au final assez encourageant. Quelques éléments restent à revoir, mais comme partout, les défauts sont aussi accompagnés d'éléments réussis, le temps et l'expérience feront le reste. Souhaitons-leur bon courage et bonne route ; en ce qui me concerne, je pense que je vais suivre de près les productions des uns et les publications des autres ;)